Éviter le design validiste
Le validisme, ce sont les préjugés et discriminations envers les personnes handicapées. Si vous vous intéressez à l’accessibilité, c’est important de comprendre comment le validisme se manifeste parce que ça peut vous aider à concevoir des produits plus inclusifs. Et ce, en dehors du cadre réglementaire que vous imposent les critères d’accessibilité. Le validisme se manifeste de plusieurs façons, dont :
- L’infantilisation
- La négation des difficultés (forcer quelqu’un à se justifier)
- Les préjugés liés au handicap (exemple : misérabilisme)
- La glorification du handicap (en parler comme une “leçon de vie”)
Le validisme est difficile à combattre car il est enraciné de manière systémique dans notre société. Par exemple, quand on raconte l’histoire d’un adolescent qui emmène une jeune fille handicapée au bal de fin d’année car personne ne l’avait invitée. Le problème ne vient pas de cet adolescent mais du traitement médiatique
Je dis souvent qu’on ne sait pas ce qu’on ne sait pas. C’est donc difficile d’anticiper d’autres besoins que les siens. Dans une société où les personnes handicapées sont exclues, mal vues et prises en pitié, on se retrouve à perpétuer ce validisme, car ce sont les codes qu’on nous a donnés. C’est pourquoi je vous propose des points de vigilance que vous pourrez adapter à tous les métiers du digital, y compris en design.
Repensez vos CTA (Call-To-Action)
Les CTA sont des boutons utilisés dans nos interfaces pour susciter une action. Par exemple : “voir les garanties”. Au clic, vous pouvez atterrir sur un PDF ou une autre page pour consulter les garanties. Mais si on s’interroge sur l’utilisation du verbe “voir”, il est possible qu’une personne aveugle qui navigue avec un lecteur d’écran se sente exclue. C’est un micro détail, bien sûr. Mais c’en est un de plus dans une journée faite de plein d’autres détails de ce genre. Cet argument reste un avis unique, et vous rencontrerez peut-être des personnes aveugles qui n’y prêtent pas attention. Il ne s’agit pas de remettre en question leur perception car il n’y a pas qu’une seule façon de voir les choses… Mais c’est une question que vous pouvez vous poser. Si vous souhaitez utiliser une alternative, vous pouvez utiliser “consulter les garanties”.
Invitez des personnes handicapées à votre recherche utilisateur
Si vous avez la possibilité de faire de la recherche utilisateur, faîtes attention au public interrogé. Les personnes handicapées représentent 1 adulte sur 4 en Europe. Elles ont des expériences de vie qui peuvent impacter leur perception de vos produits ou de votre entreprise. Si nous ne communiquons pas avec certaines catégories de personnes, comment savoir si nous répondons à leurs besoins ? C’est comme si vous ne parliez qu’à des hommes, ou qu’à des personnes blanches – vous n’auriez qu’une partie de l’histoire. Plus l’entreprise que vous représentez a de l’influence, plus c’est important. En insistant pour l’inclusion des personnes handicapées dans la recherche utilisateur, vous permettez à l’industrie de s’interroger sur ses pratiques, de les adapter et de trouver des solutions.
Comment parler du handicap ?
Vous vous êtes peut-être déjà demandé comment parler du handicap. Ça peut être nécessaire dans une déclaration d’accessibilité ou pour recruter des personnes handicapées en recherche utilisateur. Par exemple, faut-il dire personne handicapée ou personne en situation de handicap ? Le principal est de laisser les gens se définir. Il n’y a pas de débat à avoir sur la façon dont quelqu’un s’identifie. En revanche, il y a certains points plus irritants pour les personnes handicapées, comme les formules “atteint de…” ou “souffrant de…”. Ça peut être mal perçu parce que ça sous-entend que leur handicap est forcément une mauvaise chose. Restez simple, parlez de personne handicapée. Et si vous vous interrogez sur l’expérience d’une personne avec un handicap précis, dites-le tel quel. Par exemple “nous souhaitons interroger des personnes avec un handicap moteur.”
Attention à vos images
Dans un autre article, je vous ai parlé d’inspiration porn. Ce sont des histoires censées inspirer les personnes valides (sans handicap) en leur offrant une opportunité de relativiser sur leurs difficultés. Le collectif des Dévalideuses explique ce qui les dérange dans ce genre de campagnes : “Au cœur de l’image, un adulte ou enfant handicapé dans une situation relativement ordinaire. Il fait du sport, élève son enfant, décroche un diplôme… Puis la petite phrase choc qui vous renvoie à vous. “Quelle est ton excuse ?” Ou encore “Le seul handicap dans la vie, c’est une mauvaise attitude”. Les commentaires sont généralement les mêmes : cette personne est inspirante, incroyable, courageuse, quelle leçon de vie… Ces images s’appuient sur l’antagonisme supposé entre le handicap et une vie heureuse, épanouie, ou même tout simplement banale. Car dans l’esprit de nombreuses personnes valides, le handicap est perçu comme une malédiction ou une source de malheur qui s’abattrait sur nous. Nous ne serions alors plus que cela : handicapés. Une vie stoppée, mise en marge du monde, passée à ruminer notre état. De fait, montrer une personne handicapée dans une attitude positive et volontaire surprend, et le moindre geste quotidien devient alors “inspirant”. Comme s’il était nécessaire de rappeler que nous avons des vies, plus semblables aux vôtres que vous ne croyez.”
Évitez les euphémismes
Maysoon Zayid est comédienne. Concernée par le handicap, elle explique pourquoi les termes "autrement capable" et "besoins spéciaux" sont infantilisants. Pour elle, le handicap n’est pas un tabou. Il n’y a pas de mal à parler de handicap, de personne handicapée. Inutile d’essayer d’enjoliver une situation qui est déjà acceptable telle qu’elle est. Si vous devez parler de personnes handicapées, évitez donc les euphémismes. Au besoin, faîtes-vous relire par des personnes concernées pour éviter toute maladresse. C’est ce que je fais avec ma newsletter régulièrement. Et j’en profite d’ailleurs pour vous remercier si vous avez déjà participé à une relecture. Encore une fois, on ne sait pas ce qu’on ne sait pas.